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Le trésor caché : comment trouver des solutions en écoutant le terrain ?

Histoires de coopérer : une série d’articles sur la coopération en entreprise

Où l’on voit comment trouver de précieuses solutions… à condition d’écouter le terrain

A trop se polariser sur l’objectif technique d’un projet – ici une démarche de prévention de la pénibilité – on oublie parfois de se poser la question des finalités et des enjeux qu’il représente pour l’entreprise. On oublie aussi parfois de s’interroger sur la façon de faire pour prendre en compte le point de vue du terrain.

La situation

Nous intervenons dans cette entreprise de la métallurgie pour observer un projet de prévention de la pénibilité et de mise à jour du document unique d’évaluation des risques. Deux demi- journées sont prévues pour mener l’analyse approfondie des postes de travail. Quelles coopérations se jouent dans une telle démarche ?

Stéphane, nouveau directeur du site, démarre rapidement la réunion avant d’en confier l’animation à Christian, jeune responsable HSE en alternance. Projection à l’appui, celui-ci explique les enjeux réglementaires liés à l’évaluation des risques et décrit les grandes étapes de l’analyse d’un poste de travail pour en évaluer la pénibilité. Les participants sont tout de suite mis face à l’enjeu : produire un contenu, avec des échéances. Cela semble efficace. Composé de l’agent de maîtrise, d’un salarié de l’administration des ventes, du responsable logistique, du directeur du site et des deux consultants que nous sommes, le groupe se rend ensuite sur le terrain pour observer les postes de découpe des barres et de préparation des commandes. Aucune consigne précise d’observation n’a cependant été donnée. Ni les enjeux de l’observation ni la méthodologie à suivre n’ont été discutés au préalable.

Dans l’atelier, l’agent de maîtrise commence par expliquer le processus de production mais les participants prêtent manifestement une oreille peu attentive à ses explications. L’opérateur effectue ensuite devant eux des opérations habituelles : sortir des barres de faible diamètre du stock, les rassembler, les identifier, les scier, les fagoter puis déposer les lots pour expédition chez les clients.

Coopération - trouver des solutions

Avec notre regard extérieur, nous avons la sensation que le groupe ne s’est pas encore constitué. Lors de la séance précédente, une salariée du service administratif, curieuse de comprendre l’impact de son travail sur l’atelier, avait posé de nombreuses questions et contribué à un dialogue constructif. Cette fois, les participants observent les tâches sans chercher réellement à comprendre ce que vit l’opérateur. Désignant un panaris sur son auriculaire gauche, celui-ci prend pourtant la parole pour expliquer : « la pénibilité, pour moi, c’est de me faire mal aux mains comme ça… » A la sortie des racks, les barres s’accumulent en effet dans l’espace de réception et l’opérateur doit intervenir à la main pour passer l’élingue et transporter le lot au poste suivant. L’agent de maîtrise précise qu’il a étudié ce problème et proposé une solution technique qui n’a pas été retenue faute de budget. La visite se poursuit mais l’un de nous a l’impression d’avoir accordé trop peu d’attention à cet échange ; il revient en arrière pour questionner l’opérateur. Celui-ci a d’autres choses à dire sur la pénibilité de son poste. Les participants sont passés à côté de la possibilité d’en savoir plus sur sa pratique, ses difficultés et ses idées d’amélioration.

Retour en salle. Christian projette les photos prises dans l’atelier.
Cette fois, tout le monde regarde la même chose, l’attention est focalisée sur les photos. Peu à peu, ce qui ne s’est pas produit au pied de la machine prend place : une analyse rigoureuse, un partage des observations, une compréhension du point de vue de l’opérateur, un échange sur les solutions possibles. La discussion revient notamment sur le panaris de l’opérateur : « Si c’est toujours ce petit doigt qui prend, au bout d’un moment, il n’aura plus d’ongle ! » s’inquiète l’un des participants. « Ça n’était pas prévu de travailler comme ça », renchérit un autre. Soutenu par le directeur, le groupe propose des pistes de progrès sur le plan technique et organisationnel : sécurisation des opérations par une navette, groupe de travail sur un outil de prolongement de la main, équipements de protection individuels…

Le directeur demande que ces différentes pistes soient approfondies avec les opérateurs. De nombreux autres sujets propices à la coopération (outils, méthodes) émergent. A la fin de la réunion, les participants, considèrent que la matinée a été très positive et les résultats atteints, conformément aux objectifs.

 

Les suites

Contrairement à ce qui pouvait apparaître à certains participants au début de la séquence, nous sommes ici loin d’une démarche uniquement technique ; les dimensions organisationnelle et humaine sont très présentes dans ce travail sur la prévention de la pénibilité, ce qui implique d’autres savoir-faire. Les participants du groupe en prennent conscience en échangeant lors d’une autre séance sur leurs modalités de fonctionnement.

 

Décryptage

Intégrer la santé et la sécurité dans un enjeu de performance globale

Au démarrage, le pilote du projet et le groupe se focalisent sur l’objectif à réaliser : la mise à jour du Document unique dans les délais à tenir. Les groupes de travail se polarisent ainsi souvent sur le résultat à atteindre ou la dimension technique d’un projet sans creuser la question du sens et des enjeux associés à de telles démarches. La mise en conformité réglementaire concernant la prévention de la pénibilité peut pourtant croiser des enjeux techniques mais aussi organisationnels et humains liés à la performance et à la qualité de vie au travail (on le voit ici avec l’opérateur). En intégrant ces enjeux, de telles démarches peuvent prendre un sens plus positif et permettre une meilleure appropriation.

Prendre au sérieux les informations venant du terrain

Dans notre exemple, le groupe de travail est parti sur le terrain sans s’accorder sur les enjeux de l’observation ni sur la méthodologie à suivre. Le problème signalé par l’opérateur n’a pas été pris en compte sur le moment mais dans un second temps. Il ne peut y avoir de prévention des risques efficace, de démarche d’amélioration continue sans écoute et résolution des problèmes du quotidien. Cela implique d’analyser, avec un peu de méthodologie, les opérations réalisées par les salariés, de prendre en compte leurs perceptions concernant leur travail, les pistes de solution qu’ils envisagent (« le trésor caché »), d’envisager les différents cas de figure rencontrés (aléas, dysfonctionnements…). En associant tous les acteurs concernés, une telle dynamique contribue à revisiter processus et gestes professionnels. Elle permet aussi de leur donner du sens.


Et vous ?

Finalité des démarches santé-sécurité

  • Dans votre établissement, la finalité des démarches santé-sécurité est-elle définie à l’avance ou est-elle discutée avec les personnes concernées ?
  • Quels enjeux représentent-elles pour la direction et les salariés ?
  • Quels objectifs sous-jacents en termes de coopération, de dialogue, de management ?
  • Comment se mesurera l’atteinte de ces objectifs à moyen et long termes ?

 

Appropriation des démarches santé-sécurité

  • Quelle méthode de travail retenez-vous pour mener de telles démarches ? Qui associer et comment ?
  • Avec quels moyens (information, temps, montée en compétences…) ?
  • Comment en faire une occasion de « parler vrai » ? Comment valoriser les résultats auprès des équipes ?

 


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