Le bonheur au travail s’en prend plein la tête
Le malheur au travail serait-il plus acceptable ?
Triste et vidé
On se trompe de débat ?
Le second article porte – entre autres – sur la mode du bonheur à tout prix qui a déboulé dans les entreprises avec son lot de ridicule, de vain, et de séminaires dénués de sens. Les auteurs proposent pour éviter ces dérives, au lieu de faire du bonheur une condition de travail, de considérer la joie comme une conséquence, où à mon avis, on se trompe de problème : ce n’est pas tant de savoir si le bonheur est une condition ou une conséquence du travail qui importe ici, c’est surtout que le bonheur au travail a perdu tout son sens en devenant mainstream, comme tout sujet quand il est rattrapé par le besoin de plaire en masse. Il est ainsi devenu objet de mode, donc objet publicitaire et marketing, une baseline, un gimmick, un slogan. Car un produit grand public doit être simple et rapide pour espérer être rentable. La bascule se produit lorsque les idées deviennent simplistes à force d’être simplifiées.
Au fond, c’est la conception financiariste de l’entreprise qui ne change pas
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Au fond, le vrai problème, c’est que l’entreprise ne change toujours pas : on regarde le bonheur au travail et la question du bien-être au travers des mêmes vieilles lunettes qui continuent à l’opposer à la rentabilité et la performance. En d’autres termes, le bien-être est un coût et il est vu comme ça par une écrasante majorité. Comme le développement durable, il y a dix ans. Comme la crise climatique, encore aujourd’hui. Comme l’extinction de masse des animaux que nous vivons en ce moment (voir l’article du monde), la plus importante depuis l’extinction des dinosaures et gentiment dénommée « crise de la biodiversité », mais je m’égare. Bref, on nie le fait que ce soit un véritable enjeu et on l’écarte rapidement d’un argument économique qui explique qu’on ne peut rien, hélas, étant donné le coût que cela représente.
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Oui, certains profitent de la mode pour faire du blé sur le dos du bonheur des gens, mais ça n’est pas propre au bonheur au travail : la certification qualité, le lean management, le développement durable, le coaching ont subi et subissent les mêmes excès, les mêmes simplismes, les mêmes incompétences. On peut donc critiquer à raison ces « profiteurs » qui, parfois avec une bonne intention, parfois avec inconscience, parfois avec un réel cynisme et le seul but de s’enrichir. On peut aussi emprunter un autre chemin, étroit, qui consiste à changer de paradigme, c’est-à-dire à penser et agir dans un autre référentiel, une autre vision des organisations, une autre manière de se relier pour vivre l’entreprise. Il se trouve que dans ce monde d’incertitude, la seule certitude possible ne peut se trouver qu’à l’intérieur. Une paix, une sérénité, fondée sur un bien-être physiologique, psychique et spirituel. Derrière ces notions puissantes, certains pourront parler de bonheur. L’activité principale de nos vies étant le travail, la question du lien entre bonheur et travail est inévitable. La poser est source d’inspiration et de créativité. Toute réponse mercantile ou critique évite en fait ce débat nécessaire.
Ça fait 2500 ans qu’on sait ce qu’il faut faire …
La sagesse, parce qu’elle est sagesse, est antique. Elle pose depuis les débuts de l’humanité des vérités subtiles et intemporelles. Ce proverbe chinois parle mieux du sujet que quiconque : « C’est par le bien faire que se crée le bien-être ».
- Faire un travail de qualité : c’est-à-dire de « bien faire » son travail, de façon efficace, dans les « règles de l’art », de façon à satisfaire le client (conditions de réalisation du travail)
- Faire un travail qui permet d’apprendre, de se perfectionner, d’évoluer (conditions d’épanouissement au travail)
et donne deux sens au travail :
- Faire un travail utile, qui crée de la valeur
- Travailler en bonnes relations avec les autres : pouvoir s’entraider, pouvoir compter sur le soutien de ses collègues et de son supérieur hiérarchique, travailler en équipe, se sentir reconnu
La performance n’est donc plus une finalité, mais la conséquence du bien-faire et du bien-être. Autrement, dit, il faut décorréler toute notion de bien-être de la notion de performance. Car aussi paradoxal que celui puisse paraître, c’est en cherchant le bien-être sans autre but que lui-même que les bienfaits se produisent. En fait, la question fondamentale qui n’est jamais posée est de casser l’idée que la rentabilité de l’entreprise est la finalité de toutes ses actions. C’est une croyance profondément ancrée que le but de toute entreprise est de gagner de l’argent, mais profondément fausse : c’est comme dire que le but de tout véhicule, c’est de mettre de l’essence dans le moteur. L’argent est le carburant de l’entreprise pour qu’elle aille quelque part. La rentabilité est absolument nécessaire, mais elle n’est en aucun cas la destination ! Le but de tout véhicule, c’est de nous emmener quelque part. Voilà le sens de ce chemin étroit, qui consiste à changer de paradigme.
Bonjour
Bravo pour cet article !
Tu écris « la question fondamentale qui n’est jamais posée est de casser l’idée que la rentabilité de l’entreprise est la finalité de toutes ses actions. » Je suis sur le plan philosophique d’accord avec toi. Dans la réalité de quasiment toutes les entreprises que je fréquente « la rentabilité de l’entreprise reste la finalité de toutes ses actions ». Ses dernières 11 années, en tant que dirigeant de transition, j’ai fréquenté les actionnaires et dirigeants d’une dizaine de groupes européens et des centaines de managers. J’ai mis maintes fois mis en avant d’autres finalités que la rentabilité avec la sensation d’être un Don Quichotte face aux moulins à vent.
Ton article contribue à contrer ces vents contraires à la raison.
Bonne continuation !