Plutôt que de donner une définition du style, j’aimerais illustrer d’une expérience chère à Eric Julien ce que j’entends par là : achetez quatre cafés à la voiture bar TGV, proposez-les à vos voisins de voiture, tous parfaitement inconnus, et observez leurs réactions. Selon Eric Julien, la première réaction est toujours la méfiance. Que penser d’une société où le don est suspect ?
L’élégance du don et le courage de la noblesse
Le geste d’Eric Julien a l’élégance du don, et le courage de la noblesse (au sens du caractère de quelqu’un ou quelque chose qui est grand, élevé et généreux). Si la méfiance est la première réaction, c’est parce que cette élégance et cette noblessse n’existent plus et qu’elles surprennent. On peut s’en attrister mais la surprise a au moins l’avantage de révéler qu’une autre manière de faire est possible. Et c’est là une caractéristique essentielle du style : il inspire et donne l’exemple. A ce titre, il doit élever. A ce titre, il a quelque chose à voir avec l’élégance, la noblesse et la grandeur d’âme.
Le style, une identité remarquable
Le style en diffusant dans l’organisation crée une identité remarquable. Le style est ainsi la plus sûre manière de faire passer la culture de l’entreprise. La culture est excessivement difficile à cerner, le style par contre est comme un trait de fusain sur un velin blanc : il vous croque en un instant. Il est donc essentiel d’en prendre conscience et de le travailler.
Le style n’est pas donné à tout le monde, l’élégance, la noblesse et la grandeur d’âme non plus. C’est un constat gênant, car aristocratique, pour un pays qui a coupé la tête à son roi. L’égalité en droits oui, mais l’égalité en dons, en talents, en capacité d’aspiration, en aptitude physique? D’évidence, nous ne sommes pas égaux. Tout le monde n’a pas vocation à devenir manager, ou leader, ou entrepreneur, tout le monde n’a pas à faire ce chemin. Ceux qui l’empruntent, par contre, doivent en être dignes.
Le style est l’expression de ce que vous êtes à l’intérieur, il vous est immanent. Votre style donne à voir, à interpréter, alors autant être clair. Le langage est central, nous sommes ce que nous disons. Le style n’est pas un acte isolé, il est une manière d’être qui s’inscrit dans la durée.
Votre style vous caractérise : ce n’est pas tant le sujet dont vous allez parler qui est important que le point de vue que vous allez choisir, la porte par laquelle vous allez entrer et ce que vous allez en restituer. A une époque où nous sommes tous interdépendants et que l’information, les images, le regard des autres nous influencent à tout moment, votre style est précieux car il ne dépend que de vous.
Le geste relationnel, expression du style du manager
Le style des métiers artisanaux s’appelle la main, ou le geste. Le style du manager, c’est le lien, la relation. En proposant de l’élégance, le manager élève la qualité de la relation à un haut niveau de distinction, et signale toute l’importance que lui et l’entreprise y attachent. Il crée ainsi de la qualité relationnelle, du respect, du plaisir, et peut-être même de l’engagement, par réciprocité.
Pour reprendre enfin l’exemple des cafés offerts dans le TGV, le style réside aussi dans la manière d’accueillir ce qui nous arrive : après la surprise de l’inconnu qui m’offre ce café, que vais-je en faire ? Car comme le dit très justement mon ami Jean-François Zils, «l’expérience n’est pas ce qui nous arrive, mais la manière dont nous réagissons à ce qui nous arrive.» L’expérience individuelle et collective naît donc de notre manière de réagir. On peut rester absolument lisse et ne rien apprendre, ou s’agacer, s’énerver que les choses n’aillent pas comme on le souhaite, et ne rien apprendre, ou s’étonner, s’amuser, se laisser troubler, accueillir ce trouble comme une curiosité, et découvrir un trésor. De l’élégance à reconnaître son ignorance ou son inaptitude pour mieux les combler. Le style est donc aussi une réponse.
Le style a une place prépondérante dans l’entreprise Fluide, Fun et Frugale.
