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La place de l’inattendu : poser des questions sans préjuger des réponses

Histoires de coopérer : une série d’articles sur la coopération en entreprise

La place de l’inattendu : Où l’on voit l’intérêt de poser des questions sans préjuger des réponses

Un client qui décale sa commande, un fournisseur en retard, un salarié absent… En entreprise, l’inattendu est source de désagréments et de stress. Le management a pour mission de maîtriser, anticiper et minimiser de tels risques. Un rôle qui ne favorise pas toujours la créativité, l’innovation et le dialogue. Voici un exemple où un groupe de 25 personnes a été autorisé à avancer en terrain inconnu et en a retiré un bénéfice… inattendu.

La situation

Dans cette entreprise, il est prévu que nous animions une réunion afin de tirer les enseignements des séances de travail précédentes sur les coopérations dans la conduite de projet. Mais quelques jours avant qu’elle ne se tienne, le responsable industriel en charge du projet nous appelle : « on change tout, on va organiser la réunion autour des notions de qualité du travail et de performance. »

Intrigués et un peu gênés de repartir de zéro, nous demandons des détails. Le responsable s’explique : « Lors de notre dernière rencontre, j’ai eu un déclic ! J’ai compris que c’est la qualité du travail qui crée de la performance, et non l’inverse. Pour poser les premières pierres de ce que sera la performance de demain dans notre entreprise, nous allons donc consacrer notre réunion à réfléchir à ce qui fait un travail de qualité. Je souhaite que l’on parvienne à susciter des échanges libres sur ce thème – et pas plus que ça. » Changement de programme donc, nous organisons un débat ouvert sur la qualité du travail et la performance pour – et avec – un panel des acteurs de l’entreprise.

La réunion débute. Rassemblés par statut autour de quatre tables, les participants (opérateurs, animateurs d’équipe, responsables d’atelier et fonctions support) sont invités à répondre aux questions suivantes :

  • Qu’est-ce qui vous est demandé de faire pour être performant tous les jours ?
  • Qu’est-ce que vous pouvez faire concrètement pour être performant ?
  • Qu’est-ce qui vous empêche d’être performant au quotidien ?

 

Un deuxième atelier suit, organisé cette fois en mélangeant les groupes. A chaque table est associée une question : que faut-il changer dans notre manière de travailler ensemble au quotidien ? Que faudrait-il arrêter de faire ? Quels bénéfices et quelles craintes ces changements vous inspirent-ils ? Les groupes passent d’une table à l’autre. Avec une consigne : restituer la diversité et la richesse des participations de chacun en tenant compte des différents métiers et expériences.

Grâce à ce processus, plus de 80 propositions d’amélioration sont élaborées en moins de 2 heures sur des thèmes variés : management, équipement, circuit des marchandises, système d’information… Si la plupart sont faciles à mettre en œuvre, d’autres demandent plus d’audace.

Toutes les solutions sont prises en compte, y compris celles qui lèvent des tabous comme, par exemple, supprimer la rémunération variable ou dénoncer l’excès de souplesse des horaires dans les ateliers. Pour faire le tri, les 25 participants votent et sélectionnent trois propositions chacun au moyen de gommettes. Les choix se concentrent ainsi sur une douzaine de propositions de façon simple et rapide.

A 17h30, après 4 heures 30 de réunion, les participants ne veulent plus partir et poursuivent les discussions. Passer du temps à échanger sur la façon de travailler les a manifestement intéressés.

Les suites

Un premier changement intervient à la suite de cette après-midi : lors de la réunion hebdomadaire de site, les résultats et des indicateurs sont habituellement passés en revue. Des explications sont ensuite recherchées pour mieux les comprendre. Mais cette fois, les actions mises en œuvre sont débattues avant l’analyse des indicateurs et deviennent ainsi le sujet principal de la réunion. Les indicateurs n’apparaissent plus comme une finalité en soi mais comme la conséquence des actions menées.

Décryptage

Ne pas fixer le résultat à l’avance

Comme le souligne l’une des participantes : « Participer à un chantier dont l’issue est déjà décidée, ça ne sert à rien et ça ne permet pas d’adhérer. Dans cette réunion, pour une fois, les résultats n’étaient pas décidés d’avance. On ne nous a pas demandé d’être d’accord, on nous a demandé notre avis. » La réussite de cette réunion tient au fait qu’elle visait à créer le débat, à susciter de la coopération, à faire remonter des messages plutôt qu’à en diffuser. Pour atteindre de tels objectifs, il fallait que les participants se sentent en confiance et osent confronter leur point de vue aux autres. Cela supposait un certain lâcher-prise de la part de la direction qui a accepté de ne pas savoir d’avance ce qui sortirait de la réunion.

Mettre en débat la façon de travailler

Autre facteur de réussite : le choix du sujet. La qualité du travail concerne directement tout le monde dans l’entreprise. Pourtant, il est assez rare de prendre un moment pour parler de ce qui la facilite ou l’entrave. La possibilité d’en débattre est un facteur de qualité de vie au travail, d’engagement plus grand des salariés et donc, de performance. Mais parler du travail ne se décrète pas, certaines conditions sont à réunir :

  • les intentions de la direction doivent être connues de tous,
  • les manageurs doivent être impliqués,
  • la prise de parole doit être sécurisée (confiance, bienveillance, écoute),
  • la direction et les manageurs doivent s’engager à écouter ce qui remonte de telles discussions et à donner suite aux questions et propositions d’amélioration.

 

Passer du rôle de manageur qui donne les bonnes réponses à celui qui pose les bonnes questions

« Pour une fois, pendant cette réunion, vous nous avez laissé faire et de cette façon vous avez repoussé les craintes liées au changement ». Laisser-faire et lâcher prise sont des postures difficiles lorsqu’on est cadre, manageur, ou dirigeant – formé à prendre des décisions. Une évolution profonde des contours des missions des cadres se dessine ici : ne plus être celui qui détient toutes les réponses et prend toutes les décisions, mais celui qui aide chaque collaborateur à participer et à donner le meilleur de lui-même.

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Et vous ?

Débat sur la qualité du travail

  • Avez-vous déjà débattu de la qualité du travail et de la notion de performance dans votre entreprise ?
  • A quelles occasions pouvez-vous vous intéresser au contenu du travail de chacun, à la manière dont il est réalisé, aux relations entre les collaborateurs ?

 

Démarches participatives

  • Comment les projets de changement émergent-ils dans votre entreprise ?
  • Comment prenez-vous les décisions sur l’organisation du travail et la manière de le réaliser ? Consultez-vous les personnes directement concernées par les projets que vous souhaitez mettre en place ?
  • Quelle est, d’après vous, la meilleure manière de les associer dans la durée ?

 

Rôle des managers

  • Quelles sont les principales missions demandées à vos manageurs ?
  • Quelle importance est accordée à la coordination (respect des processus) et à la coopération (ajustement mutuel et constant aux situations) ?
  • Quels bénéfices, mais aussi quelles difficultés voyez-vous à positionner les manageurs comme des régulateurs, en appui aux équipes ?

 


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